Parfois je me demande ce que serait le monde sans des cous tordus. Car pour apprécier la rectitude il faut des courbes. La perfection n'est belle qu'au regard de l'imperfection qui règne ici bas.
Longtemps j'ai senti mon cou virer à droite...Pourquoi à droite ? C'est étrange. Qu'y avait il à gauche que je voulais éviter de regarder ? Mon bras gauche ? Ma jambe gauche ? Si je penchais à droite, il devait bien y avoir une raison. Etait ce pour me forcer à regarder la réalité à droite ? Parce que politiquement je penche à gauche. Alors la droite c'est l'inconnu, c'est les propriétaires de chiens, les rentiers, les partisans de l'ordre, de la conservation, les anti impôts, les anti immigrés, les apôtres de la sécurité, de la pierre et de la communion du petit...Il fallait certainement que je regarde tout cela, que je m'en gave mais maintenant j'ai du mal à revenir à gauche. Bon je suis droitier, c'est peut être ça, une hypertrophie des fonctions droitières, il faudrait que j'écrive de la main gauche peut être. Ici c'est la priorité à droite. On roule à droite, on écrit à droite, on lève la main droite et on dit je le jure, on est adroit mais alors qu'on est gauche. C'est fou comme cette domination de la droite induit une certaine vision du monde. A force de droite tout mon corps penche à droite !
Alors d'abord quelques caractéristiques géographiques. J'habite une ville moyenne ou grande de l'est de la France. Moyenne si l'on a longtemps habité Paris ou Marseille, grande si l'on vient de Cérigny sur Marne ou de Agin les Toul. Cette ville vient de changer de maire...C'est une précieuse indication mais comme lors des dernières élections beaucoup de villes de l'est ont tourné la page...Reims....Strasbourg....Thionville...Metz.....Bar le Duc même. Vous connaissez Bar le Duc, une des plus petites préfectures de France avec Mende en Lozère. Il y fait bon vivre et les habitants ont gardé l'accent bien de chez eux malgré radio et télévision. C'est bien, une belle résistance culturelle. Dans ma ville, les gens sont plutôt polis, les commerçants aimables et les filles belles mais ça c'est un peu comme partout. Il parait que c'est à Lausanne qu'elles sont les plus belles. Je ne sais pas. Pourtant je suis allé une fois à Lausanne, le soir, j'ai vu beaucoup de filles, il y en avait de très belles, c'est sûr mais était ce plus qu'ailleurs...? Il faudrait mener l'enquête...Mais je n'ai pas que ça à faire. Et puis ça coûte cher d'aller à Lausanne et en ce moment je n'ai pas les moyens. Bon et puis il faudrait faire ça de façon scientifique comme les sociologues avec protocole d'enquête précis, échantillon représentatif, j'ai bien quelques amis sociologues qui pourraient s'en charger mais il faudrait que j'arrive à les convaincre de l'utilité de cette étude. Ce n'est pas gagné ! Et puis se pose quand même le problème de "qu'est-ce qu'une belle fille ?". Et là on ne sera pas tous d'accord. Pour moi une belle fille c'est d'abord une fille qu'on a envie de regarder, on ne s'en lasse pas, on mettrait bien son portrait dans le salon, photo ou peinture, elle a des traits harmonieux et puis surtout une expression fascinante, ensorceleuse dont on aimerait bien percer le mystère. J'en connais....une.
Mon nom est cou tordu. Donc c'est mal barré pour moi dans la vie. Dans la mort on verra, il est trop tôt pour le dire vous comprenez bien.Henri cou tordu. D'accord j'avoue c'est un surnom. C'est à cause de mon cou. Je vous l'ai déjà dit, il est tordu à cause du balai.
Et puis on s'y fait, parce qu'il faut bien. Il y a plus grave....Cancer, sida, dépression, schizophrénie, dystrophie, polio...Pas de quoi se plaindre, ce n'est qu'un petit bout de balai, un bout du manche, je précise, parce que les poils dans le cou, j'en avais déjà.
Alors on se réveille un matin, le balai est là, bien raide dans le cou. On ne comprend pas pourquoi quand on penche la tête à gauche, elle revient à droite toute seule, comme entraînée par un ressort. Et puis on tate, et on le sent, il a poussé durant la nuit, tout dur, entre l'oreille et l'épaule, c'est un petit bout de balai.
Le problème numéro 1, c'est la raideur. Il y a des choses qu'on ne peut plus faire. Assister à un match de tennis. Regarder passer les trains avec les vaches. Suivre le vol des hirondelles. Jouer aux fléchettes....
C'est plus qu'embêtant, croyez le bien ! L'autre jour on en parlait avec un autre membre de l'association, (on a créé une association pour pouvoir parler de nos difficultés), c'est sûr que les choses ne sont plus comme avant avec ce balai dans le cou, ça rigidifie les choses d'un côté ou de l'autre, parfois à droite, parfois à gauche, ça dépend, il y a tous les cas de figures...
